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La Bibliothèque municipale de Provins en 1932

          Les richesses des bibliothèques provinciales de France, paru aux Éditions de la Bibliothèque nationale en 1932, est un ouvrage qui rend compte des résultats d'une enquête prescrite par la Circulaire ministérielle du 31 mars 1928 et menée auprès des conservateurs des bibliothèques provinciales de France.

Il synthétise quatre années de travail dont l'objectif est de promouvoir et faire connaître les richesses des bibliothèques françaises. Publié par Pol Neveux et Émile Dacier, ce document est un précieux ouvrage de référence.
Son intérêt historique tient tant dans son propos que dans sa date de publication qui permet à l'historien d'avoir des éléments sur l'histoire des bibliothèques, mais lui fournit également un instantané de la situation de celles-ci à l'aube des années trente.
La bibliothèque municipale de Provins y est présentée par le responsable de l’époque, Louis Robillot.

"Le fonds originel de la Bibliothèque de la ville de Provins est constitué par la bibliothèque de l'abbé d'Aligre, qui fit don de ses livres, de ses manuscrits et d'une rente pour leur entretien, par acte notarié en date du 30 avril 1681. Elle comprenait 10.000 volumes environ.

D'abord au couvent, en ruines aujourd'hui, dit de Saint-Jacques, et plus tard transférée à l'hôtel de ville, la bibliothèque fut, en grande partie, incendiée le 21 (1) janvier 1821. On eut à déplorer la perte de documents et de livres précieux ; car on y avait joint les archives des Cordeliers de Provins qui remontaient au XIIIe siècle. Heureusement, un certain nombre de documents avaient été copiés par des érudits provinois, qui ont légué par la suite leurs copies à la bibliothèque.

Celle-ci reçut en 1810 (2) une importante collection de manuscrits et d'imprimés provenant de l'abbé Ythier : environ 3.000 vol. intéressant surtout la ville de Provins et la région. En 1874, Pierre Lebrun, enfant adoptif de Provins, l'auteur de Marie Stuart, membre de l'Académie française, enrichit la bibliothèque de 10.000 vol. magnifiquement reliés. Diverses collections intéressantes vinrent s'ajouter à celles qui précèdent, grâce aux libéralités de MM. Michelin, Rivot, Lefèvre, Renon, Dodillon, etc.

Enfin, vers 1880, la Ville de Provins entra en possession de la villa, située au milieu d'un charmant petit parc, que Victor Garnier avait léguée à sa ville natale par un testament en date de 1864, et où fut enfin installée définitivement la bibliothèque. État actuel : 39.000 imprimés ; 284 manuscrits.

OEUVRES D'ART. — La Bibliothèque de Provins est aussi le musée de la ville. On y voit des meubles anciens, des antiquités gallo-romaines ou celtiques trouvées dans les fouilles, des sceaux du Moyen Âge, des monnaies anciennes et modernes (monnaies d'or du XIIIe au XVIIIe s.), des gravures et lithographies, et quelques tableaux (entre autres, un portrait du bourreau Samson (3)), etc.

MANUSCRITS. — Les manuscrits de la Bibliothèque de Provins ont presque tous trait à l'histoire de la ville (voir ci-après : Fonds local). Parmi ceux qui sont étrangers à l'histoire de Provins, on citera : Ms. 11. Missel de Sens (XIIIe-XVe s.), parties notées, belles initiales ; — Ms. 12. Antiphonaire à l'usage de la cathédrale d'Angers (4) (début XIIIe s.), notation, initiales ; — Ms. 25 (5) Livre d'heures (fin XVe s.), miniatures.

LIVRES. — 41 incunables (6) dont le plus ancien date de 1470. A citer un beau Missel de 1479 (7) provenant d'une église de Troyes.

FONDS LOCAL. — Il est particulièrement riche en manuscrits et en chartes originales. On citera notamment : Ms. 85. Recueil de 263 chartes (1146-1786) ; — Ms. 86. Recueil de 20 chartes (1127-1283) ; — Ms. 87. Recueil de 34 chartes (1157-1780) ; — Ms. 89. Cartulaire de Provins (XIIIe-XIVe s.) ; — Ms. 219. Charte d'Henri le Libéral, comte de Champagne, confirmant le privilège de l'église Saint-Quiriace de Provins (1176), dans un étui de cuir estampé et gravé (fin XIIIe s. (8)) ; et une autre charte, de Philippe-Auguste (1191), etc. Des cartulaires, obituaires, martyrologes, offices, registres capitulaires, etc., d'abbayes de Provins (XIIIe-XVIIIe s.). Enfin les notes et les copies mss. de nombreux historiens locaux, comme Michel Caillot, Ruffier, P.-C. Rivot, l'abbé Ythier, l'abbé Pasques, etc. (XVIIe-XIXe s.)."

Par Louis ROBILLOT, bibliothécaire de 1929 à 1942 (9).

 

1. La date est erronée ; l’incendie eut lieu dans la nuit du 2 au 3 janvier 1821.

2. Date erronée également ; si la succession de Nicolas-Pierre Ythier (1738-1809) fut bel et bien ouverte en 1810, l’année qui a suivi sa mort, la fraction de sa bibliothèque dévolue à la commune de Provins ne fut accordée à la Ville qu’en 1836.

3. Louis-Cyr-Charlemagne Sanson (1748-1794).

4. Lire Chartres à la place d’Angers.

5. Lire Ms. 23 au lieu de Ms. 25.

6. Un incunable est, par convention, un livre imprimé en Europe avant le 1er janvier 1501. En 1932, l'appellation incunable était encore improprement étendue aux post-incunables, c’est-à-dire aux livres d'aspect comparable mais imprimés ultérieurement, avant 1525-1530 ; d’où le nombre exagérément avancé de 41 titres au lieu de 12 dûment catalogués aujourd’hui.

7. Lire 1497 : Missale Trecense, Paris, Jean Du Pré aux frais de Nicolas Ludot, 1497/1498,in-f°, 288 f.

8. L’étui en question, encore dénommé custode et qui a certainement remplacé un écrin plus ancien, date du début du XVe siècle.

9. In : Pol Neveu et Émile Dacier (édit.), Les richesses des bibliothèques provinciales de France…, Paris Éditions de la Bibliothèque nationale, 1932, t. II, p. 96-97.